Vincent de La Vaissiere, PDG de l'agence VcomV, a son domicile

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Piednoël (SNCF), Villeret (EDF), Tréhan (Air France-KLM)… Ces quadras directeurs de la communication parviennent à tisser des relations étroites avec les médias pour faire passer leurs messages malgré les situations de crises à répétition.

Pas facile de leur échapper lorsqu’on est journaliste à Challenges. Ni de les ignorer lorsqu’on est un lecteur assidu de l’actualité économique. Une nouvelle génération de directeurs de la communication a fait son apparition dans les entreprises de la sphère publique, de BPIFrance à la SNCF en passant par Air France-KLM et Areva. Fort de 255 heures d’entretiens avec 170 journalistes français et étrangers, une étude (1) menée par le cabinet VcomV, fondé par Vincent de la Vaissière, passe au crible les méthodes et les personnalités de ces communicants quadras et redoutablement dynamiques.

Quelles sont les caractéristiques de ces directeurs de la communication des entreprises de la sphère publique ?

Ils sont jeunes : Benjamin Perret (Aéroports de Paris) a 36 ans, Julien Villeret (EDF) 40 ans, Jean-Charles Tréhan (Air France-KLM) 41 ans et Charles Hufnagel (ex-Areva) 42 ans… Ils ont fait du cabinet ministériel : Boulay à l’Agriculture, Hufnagel à la Défense et aux Affaires Etrangères, Perret et Tréhan au Budget. Mais le fait nouveau, c’est qu’ils ont passé beaucoup de temps dans les agences de communication avant même de devenir Dircom : 12 ans pour Wood, chez W & Cie ; 11 ans pour Boulay (Tilder, TBWA Corporate et Vae Solis) ; 8 ans pour Villeret chez I & E au contact de Jean-Pierre Beaudoin ou 6 ans pour Perret chez Havas avec Fouks et Sananes puis chez Ogilvy avec Lorraine d’Huart.

Cette expérience d’agence les a durcis et endurcis : Benjamin Perret a ainsi vu l’agence « comme une classe prépa » car c’est l’apprentissage d’une lourde charge de travail requérant agilité intellectuelle et capacité d’anticipation. C’est aussi une bonne façon d’apprendre à donner du sens à l’action et à faire du « storytelling »…

Qu’est-ce que ce parcours induit dans leur mode de fonctionnement ?

Ils travaillent dans le secteur public tout en fonctionnant comme des Dircom du privé. Ils viennent d’ailleurs du privé (Sodexo pour Chambin et Trehan, Lyonnaise des Eaux et AXA pour Piednoël, SFR pour Villeret…) dont ils s’efforcent d’appliquer au public les bonnes recettes. A savoir : une approche collaborative faite d’ouverture et de transparence. Ce sont fondamentalement des ouvreurs et des facilitateurs. Ils ont la réputation de faire circuler l’information au plus juste et au plus large. Avec eux, il n’y a pas de « blackout » de l’information ; il y a des explications à tout car rien n’est pire que de se taire surtout en période de crise…

Comment leur expérience se traduit-elle sur leur façon de communiquer ?

Ils sont très bons sur le fond des dossiers car, le plus souvent, ils ont une double casquette : stratégique et technique. Ce sont en effet des spécialistes de leur secteur : Chambin et Hufnagel sur l’énergie, Fort sur la Défense, Piednoël dans le ferroviaire… C’est cela qui leur permet de donner en permanence aux journalistes des éléments de contexte et de décryptage, de manier le « off », un « off » de qualité et non un « off » de pacotille ! On va dire que ce sont les champions du « background ».

C’est aussi cette dimension de fond qui leur permet de monter en première ligne lors des périodes de crise. La vie en agence et/ou l’expérience du privé leur ont donné les moyens de maîtriser les situations de crise. Ils ont tout intérêt à savoir le faire car ils font partie des entreprises publiques qui sont parmi les plus exposées de France à la crise (Air France-KLM, Areva, Edf, Sncf…) et donc bien souvent les plus « explosées » par la presse, audiovisuelle, papier et digitale.

Comment gèrent-ils cet état de crise quasi-permanent ?

C’est précisément dans ce contexte de crise que, fait rare en France, ils sont devenus le porte-parole à part entière de leur entreprise : c’est déjà le cas de Piednoël pour SNCF, de Tréhan pour Air France-KLM, de Boulay pour BPIFrance… Stéphane Fort est d’ores-et-déjà un porte-parole digital de Dassault Aviation à travers son compte Twitter personnel. Il y a de bonnes chances qu’il devienne aussi un porte-parole technique avec le concours d’experts maison.

Le fait est, et cela c’est radicalement nouveau par rapport au Dircom type des années 80, qu’ils consacrent tous beaucoup de temps aux relations presse : 40 % en moyenne de leur temps de Dircom ; sans compter les périodes de crise : mouvement des pilotes chez Air France-KLM, sortie du CAC 40 ou démission surprise d’un Directeur financier chez EDF, signature d’un contrat Rafale à l’export, Brétigny ou Eckwersheim pour SNCF… Dans ces moments, le pourcentage s’élève à 80 % voire le dépasse largement !

Ils ont tissé des liens étroits, de bonne intelligence avec la presse. Les journalistes ne cèdent-ils pas d’autant plus facilement à leur efficacité, au risque de manquer de distance ?

Il est vrai qu’ils entretiennent une relation de qualité avec les journalistes mais qualité (confiance et respect mutuels) ne veut pas dire complicité. C’est aux journalistes de ne pas sombrer dans le syndrome de Stockholm ! Ils doivent avoir suffisamment de métier et de talent pour faire la part de l’info et de l’intox – qui continue évidemment d’exister…

(1) L’étude porte sur les principales participations et institutions de l’Etat, soit 53 entités réparties en 6 secteurs (Aéronautique, Défense et Espace ; Com et Télécoms ; Energie ; Economie et Finances ; Transports et Logistique ; Jeux et Paris). Etude qualitative conduite auprès de 170 journalistes français et anglo-saxons tous médias (1er septembre 2015 – 2 mars 2016). La 6ème édition met en valeur une nouvelle génération de dircom qui rassemble : Antoine Boulay (BPIFrance), Jérôme Chambin (GRDF), Stéphane Fort (Dassault Aviation), Charles Hufnagel (ex Areva), Benjamin Perret (Aéroports de Paris), Christophe Piednoël (SNCF), Jean-Charles Trehan (Air France-KLM), Julien Villeret (EDF) et Dominique Wood (Transdev).

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